
Entrevue avec Noé Talbot
Publié le 27 Fév 2024 par Antonio Geraldo

Il s’appelle Benjamin Piette. Principalement connu sous le nom de Noé Talbot avec son projet solo, il est membre dans les groupes Fortune Cookie Club, Super Punk, Col Rouge. Il fait également partie d’un projet hip-hop appelé Salmine. C’est un artiste ainsi qu’un humain que j’apprécie beaucoup. J’ai saisi l’occasion de la sortie de son nouvel EP, en août dernier, Avant qu’on se déteste, pour lui poser quelques questions.
Salut Noé! Dis, entre tes milliers de projets musicaux, as-tu ça du temps libre?
Honnêtement, beaucoup trop. J’ai pas d’enfants. Moi, j’admire les gens qui ont des enfants. Si un jour j’ai un enfant, tu peux être certain que m’a pas faire 2 albums et 70 dates par an.
Comme mentionné dans l’introduction, ton dernier EP, Avant qu’on se déteste, est sorti en août dernier, soit deux ans et quelques jours depuis l’album précédent. Comment s’est passé le processus d’écriture?
En fait, ce EP-là, c’était des chansons qu’il me restait de Remercier les accidents que j’avais déjà enregistrées, sauf pour les pistes « Secrétaire de ma vie » et « Résonner avec toi », qui avaient été écrites dans la même période. Je suis retourné en studio pour rec ces deux-là avec mes nouveaux musiciens.ennes (Vincent Ravary et Lauriane Pothier). Je tiens à spécifier que toutes les chansons n’étaient pas des B-sides, mais on pensait qu’elles fittaient plus ensemble puisqu’elles parlaient toutes de séparation (et que y’avait déjà 15 tracks sur Remercier les accidents deluxe [argument non négligeable]).
Pour l’occasion, tu as travaillé avec qui?
Avec Vincent Ravary, un super drummer, Golden Retriever. Lauriane Pothier, ma complice de tournée à la contrebasse depuis plusieurs années maintenant. Maxime Racicot, ami guitariste, pro de Instagram. À la board, on a eu Frank Joly, partner invétéré d’Escape Game! Pour les autres chansons, ce sont les mêmes personnes que sur Remercier les accidents.
Tu joues avec ton projet solo depuis quoi?… 2010, 2011? Quoi qui t’a poussé à partir en cavalier seul à ce moment?
Faire de la tournée! Je pensais même pas sortir grand-chose pour vrai. J’avais pu de band aussi motivé que moi pour tourner. J’ai donc, comme plusieurs, décidé d’entreprendre ça à la guitare acoustique pour pouvoir faire des shows et voyager.
Tu écoutais quoi comme groupes/artistes à ce moment précis?
Bonne question. Les Vulgaires Machins, définitivement. Un peu plus tard, Frank Turner. Une chiée de bands punk rock, les bands des amis.es surtout et des bands qui n’existent pu (genre Le Monsieur). Pis j’écoutais beaucoup de François Perrusse.
Puis aujourd’hui?
C’est tellement varié. Je pense que l’époque déteint sur moi. J’écoute de la musique par petites phases, mais dans les dernières années j’ai gros écouté : Orelsan, Nekfeu, Northcote, Les Cowboys Fringants, Louis-Jean Cormier, Les Sœurs Boulay, le dernier de Blink-182, Intenable et plein d’autres auxquels je pense pas…
Tu viens de mettre en ligne, y’a quelques jours, un nouveau single qui est une collaboration avec Alex Paquette. Comment vous est venu l’idée de co-écrire une chanson ensemble?
On passe quand même beaucoup de temps ensemble. J’ai pas full d’autres amis au Québec qui font de la musique de leur vie, pis je pense que lui non plus y’en a pas des dizaines, faque on se comprend bien. Pis on a beaucoup joué ensemble y’a 2-3 ans de ça. On tournait vraiment beaucoup pis entre deux shows, on s’est parlé de faire une chanson ensemble. J’ai eu l’idée rapidement. Le texte ça a été super long. Pis après, les deux on était toujours partis, donc on n’a pas pris le temps de donner vie à ça. À un moment donné, on a fini par se dire qu’il fallait pousser un peu plus et, en quelques mois, on a réglé ça.
Quoi qui s’en vient prochainement pour Noé Talbot?
Une 15e tournée solo en Europe (20e en carrière!!), pas mal de dates au Québec et un nouvel album. J’ai mes maquettes. J’suis rendu à booker le studio.
Lorsque tu composes quelque chose, comment tu fais pour savoir que telle ou telle chanson va aller dans quel projet?
Ça se feele je trouve. Mais de moins en moins. Surtout entre Salmine et Noé, des fois, je trouve ça dur de départager. J’ai un bon hook, une envie de groove, et j’hésite. Généralement, quand ça sort, c’est vraiment clair. Mais c’est vrai que ça arrive de plus en plus que c’est moins clair. Des fois, y’a des chansons que je fais et que je maquette en Noé. Pis au cours du processus, je réalise que ça serait biiin meilleur plus vite, faque je la garde pour FCC.
Tu fais souvent référence à Rouyn-Noranda dans tes chansons (bon, juste deux fois, mais c’est plus que n’importe quelle autre ville dans le monde). Quoi qui te relie autant à la capitale du cuivre?
Les souvenirs, je pense. Y’a eu une période où, chaque fois qu’on allait jouer là-bas, c’était toujours des super belles soirées. On revenait et on se disait : « si ça pouvait toujours être comme ça les gigs!». La première impression reste, je crois! J’ai encore et toujours énormément de fun à aller jouer en Abitibi, et particulièrement à Rouyn. Y’a une vibe relaxe et amicale… Je sais pas exactement pourquoi, mais un peu de tout ça en même temps.
Avec un nombre incalculable de concerts à travers le monde, quels sont tes plus beaux souvenirs?
C’est dur à dire. Les premières fois sont souvent les plus belles. J’ai des dizaines de petits moments qui me reviennent en tête, genre jouer au mini-hockey à 4h du matin en Suisse. Jouer Wonderwall à un douanier. Brosser avec des Ukrainiens trop smattes qui nous faisaient boire le moonshine de leur grand-mère. Les moments dans la van à découvrir ce que c’est que s’ouvrir pour vrai aux gens. Les rares flings après les shows avec des filles où tu finis par frencher. Les running gags de tournée avec les boys. Les trips de mush. Les hot-dogs géants. Les snacks d’après show. Les premières fois que tu vois des gens chanter tes paroles… Tout ça, c’est magique. J’ai eu vraiment de la chance de vivre autant de belles choses.
Et les pires?
Les pires sont souvent les plus beaux. Mais il fut un temps où j’ai fait énormément d’anxiété en tournée pis je n’étais pas heureux dans ma vie. Je te dirais que ce n’est pas des moments particuliers, mais plus des restes de comment je me sentais qui me font encore de la peine.
Pis dédicace particulière à tous les gens qui nous ont invités à dormir, dans leur appartement pas propre, pis qui ont décidé de faire le party tout seul jusqu’à 6h du matin, avec nous qui ne sommes pas capables de dormir à côté.
Segments que tu as chantés :
« Par les 10 mêmes personnes à Rouyn » – Le déjeuner de l’hôtel
Est-ce que tu connais par cœur le prénom de ces personnes?
Évidemment 😊. Pas les noms de famille par exemple.
« J’ai même pas pu sauver les meubles
Parce que t’es partie avec » – Sauver les meubles
As-tu réussi à te remeublé depuis le temps?
Bon, je sais que c’est pas ça la question. Mais cette phrase-là vient de mon ex. Elle avait pensé à ça, j’avais trouvé ça bon, pis je l’ai enjointe à écrire les paroles de cette toune-là avec moi. C’est drôle parce que c’était comme prémonitoire. Maintenant, je chante cette chanson-là et j’ai l’impression que ça parle d’elle, alors qu’on l’a écrite ensemble.
« Y’a des nuages dans ma chambre » – Mauvais Timing
Dors-tu dehors?
Juste quand je joue à Rouyn et que tu m’invites chez toi (« viens dormir chez moi, y’a juste un bébé de 6 mois, tu vas voir tu vas bien dormir…! » C’est ça ouais!)!
Puisse que j’ai ton attention, nous ne pouvons pas passer à côté de la dernière sortie de Fortune Cookie Club, qui, soit disant, est un excellent l’album. Diviser dans les nuances est sorti en janvier dernier, soit presque cinq ans depuis la sortie de Passer l’âge d’or.
Quoi qui explique un temps aussi long entre ceux-ci?
Les bébés. Tout le monde sauf moi a des enfants. Ça fait pas mal de périodes de breaks sans jam. Ajoute à ça mes tournées, les voyages… On s’en sort pas. Ahah!
On retrouve beaucoup de featuring dans l’album. Quoi qui te/vous pousse à inviter autant des gens à chanter avec toi/vous?
Parce que ça ajoute de la diversité à l’album. Nous, en plus, c’est un peu un vieux rêve de jouer avec toutes ces personnes-là. Ce sont tous.tes des artistes qu’on aime. Les retrouver sur nos disques c’est tellement cool. On est rendus à presque une quinzaine de featuring. C’est quelque chose qui se fait beaucoup dans le rap, mais pas dans le punk et c’est dommage. En plus, généralement, les gens sont trop contents qu’on leur demande.
Quoi qui s’en vient du côté de FCC?
J’espère quelques shows. On a prévu aussi de recommencer à composer. Donc, que du bon!
Le 11 septembre 2020, Super Punk droppait une bombe atomique en ligne avec la sortie de Kim Jong Goes To Cégep et puis silence radio.
Quoi qui explique ceci?
Les vies occupées à tout le monde. On voulait vraiment faire des shows, pis ça s’est arrêté. On était trois qui voulaient vraiment faire un autre album, mais il nous manquait un GO pour faire ça. Donc, c’est sur la glace en ce moment, et peut-être définitivement, même si je trouve ça poche. Mais on s’est dit qu’on commencerait à intégrer des chansons de Super Punk dans FCC. C’est-à-dire faire des chansons de 45 secondes avec le band sur des sujets cons. J’ai eu plein d’idées au cours des années et les boys de FCC ont envie qu’on le fasse, donc il devrait y avoir de nouvelles chansons « genre » Super Punk dans FCC éventuellement.
En 2019 tu lançais ton projet Salmine. Depuis, deux albums ont paru, des spectacles à la ronde et un méga-hit radiophonique avec la chanson « Rap de gentil ».
As-tu commencé à faire du hip-hop pour arrêter de jouer dans les bars miteux de punk rock qui sentent toujours la pisse?
Absolument pas. Sinon, ça aurait été un échec sur toute la ligne. Tsé, avant de faire de la musique, je ne me pose pas beaucoup de questions. J’aime faire de la nouvelle musique, différente de ce que j’ai fait. Même que j’ai vraiment de la misère à comprendre les artistes qui font cinq fois le même album ou qui restent dans une direction musicale toute leur vie. Moi, ma question de tous les jours en musique c’est « comment je peux faire différent de ce que j’ai déjà fait ». Tant que je pourrai répondre à cette question, je vais continuer. Sinon, je pense que je n’y trouverai plus trop d’intérêt.
Sérieusement quoi qui t’a poussé à faire du hip-hop?
Je fais du slam depuis que j’ai 16-17 ans. Ça a été comme une suite logique. J’étais meilleur en slam qu’en hip-hop cela dit, ahah! Mais je m’améliore pas mal. J’ai des nouvelles maquettes pour un nouveau EP de Salmine et finalement je commence à être satisfait de mon flow, des enchaînements, etc.
Quoi ce style de musique te permet d’exprimer que tu n’arrives pas avec tes autres projets?
C’est une question à deux réponses :
Sur du rap avec des flows définis, plus trap/cloud, je te dirais que ça me permet de faire des jeux de mots beaucoup trop compliqués, mais qui m’amusent.
Sur du rap avec des flows plus libres, genre boom-bap et slam, je te dirais que c’est de vraiment creuser les sujets et de dire les choses plus crûment.
Quoi qui s’en vient avec ce projet?
Un mini EP avec les beats de Master Chon.
En dehors de la musique, j’ai cru voir que tu étais en processus d’écriture d’un nouveau livre?
Boah, j’essaie, j’essaie… Mais ça ne me vient pas naturellement comme pour le premier. Bientôt, je vais m’y mettre. Prendre quelques mois pour bien faire ça. Marie (ma partenaire illustratrice) attend après moi pour ça depuis des années ☹.
Et j’ai cru voir, dans une story Instagram, que tu étais en train de créer un jeu de société!
OUI! Et c’est vraiment le fun. C’est le 3e sur lequel je travaille, mais le premier qu’on est pas mal sûr de sortir. Ça va être avec mon 4e album de Noé. Je vous en dis pas plus, mais j’ai bien hâte de montrer ça au monde.
Pour être honnête, c’était une facette de ta personnalité que j’ignorais! Tu peux nous en parler un peu?
Je passe au moins 1-2h par jour à jouer à des jeux de société en ligne sur BGA. J’aime les défis, donc je m’étais donné le défi de faire un jeu pendant la pandémie. J’ai aimé ça. Pis j’avais une idée de jeu qui me trottait dans la tête depuis trois ans. L’album de Noé était le bon prétexte pour rendre ça concret. Je me suis associé avec un ami en France (Tendre Plume) qui tripe autant que moi et on fait ça à distance.
Merci de ton temps Noé, je te laisse le mot de la fin.
Merci à toi !! On se voit bientôt, tu passes à Montréal dans une semaine avec ton band Radiology. Peux-tu nous en dire plus sur vos projets?
Haha, merci de me retourner l’appel! Faire des spectacles, composer des nouvelles chansons et avoir du fun, c’est pas mal ça!
Entrevue : Antonio Geraldo
Correction : Céline Montminy
Révision : Marie-Eve Landry