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L’État nous fait la guerre, guerre à l’État!

Publié le 04 Avr 2024 par

Qu’ont en commun la galerie Atoll de Victoriaville et le quartier Hochelaga-Maisonneuve? La négligence des politiciens à l’égard des organismes communautaires. Le désengagement des politiques tous azimuts  nous a conduits à la pire crise du logement et de l’itinérance que la province a connue. En pleine crise du logement, l’administration d’Hochelaga-Maisonneuve a permis la construction d’un bâtiment dédié au Airbnb. Afin de dénoncer cette initiative, une manifestation s’est tenue le 6 mars dernier.

Abondon politique

Le quartier Hochelaga-Maisonneuve est durement touché par la crise du logement.  En juillet 2023, l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) adoptait un règlement qui interdit les hébergements touristiques de courte durée dans une résidence secondaire. Les politiciens de l’arrondissement, dont le maire Pierre Lessard-Blais, ont fermé les yeux sur le bâtiment du 3650, rue Ontario Est à Montréal. Cela a surtout été perçu comme un symbole de l’abandon politique face aux locataires et aux résidents au profit de l’entreprise privé et à la spéculation immobilière. Les politiciens ont ignoré la volonté claire de l’entreprise Strawberry de faire du Airbnb à cet emplacement. À plusieurs reprises, un inspecteur a rapporté ladite volonté de l’entreprise Strawberry dans ses rapports. Il y a deux choses ici. D’abord la Loi, qui en tant que telle est molle au possible. Ensuite, devant un quartier aux prises avec de graves problèmes de pénurie du logement et d’itinérance, les politiciens n’ont rien trouvé d’autre à faire que de volontairement fermer les yeux face au locatif courte durée qui gruge des logements.

Photo de Pierre Lessard-Blais, par : Stop AirBNB Hochelaga

À Montréal, les promoteurs immobiliers ont le choix, lorsqu’ils construisent des immeubles à logements ou à condos : dédier 20 % de la construction aux logements sociaux ou payer une taxe et ne pas intégrer de logements sociaux. Le journal Le pivot rapportait, en juillet 2023, que 97 % des promoteurs payaient tout simplement la taxe. Force est de constater que les élus sont devenus une courroie de transmission de la gentrification, et qui plus est de la spéculation immobilière en bousculant au passage les locataires et le logement social. C’est ce qu’on appelle une mesure-spectacle. 

Image tirée de l’article du journal Le Pivot.

Au même moment, à quelques coins de rue plus loin, au 4650, rue Ontario Est à Montréal, le Pavillon d’éducation communautaire Hochelaga-Maisonneuve (PEC H-M) qui gérait le bâtiment et louait les locaux à d’autres organismes dont le Tour de lire, le Comité BAIL, Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, le Comité Chômage de l’Est de Montréal, la Guillotine, etc. sont expulsé des locaux, parce que l’établissement était jugé vétuste. Ça coûtait trop cher à rénover, alors le Centre de services scolaires de Montréal (CSSDM) a choisi de démolir. Encore une fois, les organismes sont victimes de la négligence volontaire des élus. Le CSSDM refusait de rencontrer lesdits organismes pour parler de ces enjeux, et ce, malgré qu’il avait dit vouloir accompagner le PEC H-M plus tôt en 2023. Certains organismes, qui avaient déjà des rendez-vous ont dû utiliser ces rendez-vous-là pour discuter de l’éviction. Il y a un désinvestissement de l’État qui contribue à la crise du logement.

Dirigeons-nous à Victoriaville. Le centre d’art Atoll est un centre d’artistes, autogéré, qui fait la promotion de l’art et le rend accessible aux résident-es depuis 1985. Depuis quelques années déjà, les élus de la ville de Victoriaville adressent à l’Atoll que leur bâtiment est vétuste et qu’ils devront déménager, mais sans presse. La Ville rassure en proposant de l’aide et suggère de prévoir le déménagement. Puis, la Ville fait volte-face, et le bâtiment sera détruit parce que considéré comme trop vétuste. L’aide promise ne sera pas là. Résultat : l’organisme risque de s’éteindre après 39 ans d’activités, à cause du désinvestissement et du désintérêt de l’État face à un autre organisme communautaire. Hochelag’ ou Victo, même combat! L’État nous fait la guerre, guerre à l’État! 

Des solutions existent

L’immeuble à logement dans Hochelaga a été « vandalisé » selon les médias. Il s’agit plutôt d’une réponse à la violence que représente ce bâtiment. C’est avant tout une action directe des citoyen-nes pour soutenir le droit des résidents à rester dans leur quartier. Dénoncer cette atrocité n’est pas violent! C’est une forme d’art et de communication.

Le plus violent dans cette histoire, ce n’est pas la couche de peinture ou les quelques affiches collées, non. C’est se faire mentir en pleine face par des élus. Le plus violent, c’est la complicité et la facilité décomplexée qu’entretiennent les élu-es avec les promoteurs immobiliers. Le plus violent, c’est l’évincement et le refus des élus d’adresser la parole aux gens concernés. « En pleine crise du logement, c’est une provocation d’avoir un immeuble tout neuf, rempli d’Airbnb, qui ne répond aucunement aux besoins des gens du quartier. C’est une provocation de couper l’aide aux organismes communautaires qui viennent au secours aux gens du quartier. Quand les élus favorisent les spéculateurs immobiliers, c’est ce qui fait qu’un quartier ouvrier devient un havre pour les touristes, et qu’on n’arrive plus à se loger », disait Annie Lapalme, d’Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve. Au lieu de prendre action, le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais, balaie plutôt le problème au provincial. Une manifestation a eu lieu le 6 mars dernier, afin de dénoncer la situation et de mobiliser les gens du quartier.

Vous voulez vous impliquer? Contactez le Comité entraide logement Hochelaga. Pour les autres, voici une liste des comités logements où vous pouvez vous impliquer. Être engagés, ce n’est pas juste de parler autour d’une bière et d’aller voir des spectacles. 

Du côté du centre d’art, un artiste et codirecteur de la programmation, Antoine Larocque, a utilisé l’art comme moyen de revendication le 12 décembre 2023. Il a peint des slogans sur les murs du bâtiment, devant les yeux ébahis des gens d’affaires et politiques, lors d’une soirée de réseautage organisée au centre d’art. Antoine Larocque a écrit : « Allô monsieur le maire soutenir « LA culture » c’est pas faire deux selfies par années devant une œuvre d’un artiste local. » Il a continué d’écrire ce type de phrases, tout au long de la soirée. Si l’histoire vous intéresse, allez voir le Patreon de Total Idiot. Qu’y a-t-il de si terrible d’écrire la vérité sur des murs qui vont être démolis, mis à part que nous ne pourrons plus lire cette vérité?

Légitime défense et réponse citoyenne

Lorsque des gestes comme ceux-là sont posés, ce n’est pas de la violence. C’est de la légitime défense. C’est souvent la seule façon que l’on parle de nous et de nos enjeux. Même si les médias de masse traitent la situation comme étant une fâcheuse situation, s’ils ne rabaissent pas au niveau de « vandalisme », au moins, la situation d’injustice éclate au grand jour. Parfois, le vandalisme est nécessaire. À Victoriaville ou à Hochelaga, en plus d’être une sorte d’art, ces actions portent un message. Bien sûr, il existe des alternatives à la violence du capitalisme, mais le discours bourgeois a été suffisamment mis de l’avant. Investissons-nous dans les comités de citoyens, les comités logements et de défense de droits. Troublons la paix des bourgeois, des lobbyistes et des élus à coup de peinture, de vitres cassées et de militances. Injectons notre vocabulaire et nos enjeux dans le discours ambiant. Réapproprions-nous les logements, les lieux et les bâtiments publics. Foutons-les hors de nos quartiers. 

Les élus préfèrent faire porter le blâme à un autre palier gouvernemental ou aux migrants que de regarder la vérité en face. Il n’en est rien. Ce sont les politiciens qui, à coups de politiques conservatrices et néolibérales, qui nous ont menés là. Ne l’oubliez jamais. Nous sommes victimes de leur négligence, de leur incompétence et de leur insouciance. 

Rédaction : Charles Loco

Correction : Céline Montminy

Révision : Marie-Eve Landry