45e anniversaire du FRAPRU – LA CLÉ C’EST LE LOGEMENT SOCIAL !
Publié le 08 Fév 2024 par Charles Loco
À la douce mémoire de Norm
1952-2023
La gentrification n’affecte pas que nos quartiers ou nos logements. Ça, c’est la pointe de l’iceberg tentaculaire qu’est la gentrification. Elle affecte nos scènes aussi. Comment ? Les propriétaires augmentent le coût des loyers des différents bars. S’ils ne sont pas tout simplement menacés d’expulsion. C’est de cette manière que la scène perd des salles tout âge, des bars au coût accessible. Souvenez-vous les ami-es, tout est politique. Dans cette position vous avez deux options, disait Michel Chartrand : « Pas surveiller le pouvoir. Exercer le pouvoir ! » Le jeudi 1er février, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) fête son 45e anniversaire sous le slogan : « LA CLÉ C’EST LE LOGEMENT SOCIAL » – pour les néophytes, le FRAPRU est un organisme communautaire qui œuvre dans le droit au logement. – Ils ont profité de cet événement pour lancer le livre de François Saillant : « Dans la rue ».
C’est en plein cœur du quartier Petite-Patrie, au Ausgang Plaza où s’est tenue la soirée. Ce n’est sûrement pas laissé au hasard, puisque La Petite-Patrie a été durement touchée par les « rénovictions », ces dernières années. Des photos de militant-es sont projetées sur les murs. Plusieurs photos de feu Norman Laforge figurent parmi les photos. La plus grande perte de 2023, selon moi. Norm, était un pilier et un vétéran de la scène skin, Oï !, antiraciste et antifasciste, et du droit au logement à Montréal. Norm était de tous les combats. Le voir tout souriant sur le mur, valide à elle seule la tenue de cet événement.
Le mot d’ouverture a été lancé par François Saillant. Pour ceux et celles qui ne le connaisse pas, François Saillant est une figure incontournable du droit au logement et du communautaire au Québec. Il a débuté sa carrière en 1979 au FRAPRU. Il a été coordonnateur, puis porte-parole jusqu’en 2016. En 2007, il a été candidat pour Québec Solidaire, dans Rosemont Petite-Patrie. François Saillant, c’est aussi un écrivain prolifique. C’est son 3e livre en six ans. Qui plus est, son dernier livre à paraître : « DANS LA RUE : L’histoire du FRAPRU et des luttes pour le logement au Québec » se veut, sans surprise, un essai sur le droit du logement. Or, le droit du logement c’est large, c’est aussi : le droit des autochtones, les luttes contre la spéculation immobilière, les luttes à la gentrification, le droit à la dignité, et j’en passe. M. Saillant a tenu un discours juste, dans lequel il a résumé non seulement son parcours, mais celui du FRAPRU, qui lui est indissociable.
S’en est suivi un discours de la présidente du FRAPRU : Marie-Ève Duchesne, issue du comité populaire de Saint-Jean-Baptiste. Un discours au cours duquel elle demandait de se remémorer. Se remémorer les victoires du FRAPRU. Se remémorer les politiques et les politiciens qui viennent pourrir nos vies et le droit au logement. Se remémorer les actions, les manifestations, les joies, les peines et les peurs. Se remémorer la rue. Se remémorer que sans nous, il n’y en aurait pas de lutte. Militant-es, faut rien lâcher !
Une chorale a pris la scène en scandant des slogans pour prendre la scène. La foule se rappelle des slogans et des chansons. Scander des HLM pour se sortir de l’impasse de la crise du logement. Pour rappel, le définancement progressif du fédéral et du provincial sur les divers programmes de logements sociaux : HLM, COOP, Accés-Logis nous ont menés à cette crise. Cette crise du logement est d’abord et avant tout politique. Elle est causée par des lubies néolibérales, conservatrices et lobbyistes.
Un orchestre, la fanfare d’occasion, a repris quelques hits dont Manu Chao. La foule était dansante, avec une température aussi chaude, dehors comme à l’intérieur – sans rappeler le réchauffement climatique, si au moins ça pouvait faire fondre les projets de loi de la CAQ – c’était à prévoir. À l’instar de ce que les chroniqueurs poubelles peuvent bien dire à notre sujet, on sait faire la fête !
Un chansonnier a pris les planches et a fait quelques classiques Québécois : les Colocs, Plume, Desjardins, bref, la crème. Des chansons à texte et en plus, il rajoute de la fioriture à la guitare. Un band est venu le rejoindre, sur les planches. Maintenant accompagné de musiciens la même dégaine, et une chanteuse en plus. Les Colocs, Daniel Bélanger, le répertoire était juste avec le ton de la soirée.
La soirée s’est terminée en douceur. En ces temps houleux et de torpeur, un peu de douceur, ce n’est pas superflu. Un pause bien méritée, mais le combat est loin d’être terminé. Mise en demeure chantait à Chartrand : « on se revoit en enfer, mais d’ici là, attends nous pas, on a un état à défaire, des policiers à foutre en l’air. » Ce soir on aurait pu te le chanter, Norm. Le mot de la fin te revient : « vous trouvez que ça va mal et que c’est tough ? Imaginez, si on n’était pas là. On lâche rien ! » Ton combat est le nôtre. À jamais dans nos cœurs et dans nos luttes, Norman est immortel !
Une brève histoire du droit du logement au Québec
Les taudis occupent une part importante du parc immobilier : 41 % des logements à Québec sont inadéquats et 36 % des logements de Montréal sont considérés comme inhabitables. L’état précaire du logement appelle l’intervention des pouvoirs publics. Pour la petite histoire, de 1764 à 1949, le droit au logement est essentiellement d’autorité fédéral et est régi par le Code civil par un ou plusieurs ministères. De 1950 au milieu des années 1970, la régie du logement est assez souple et ne semble pas être obligatoire. Voici une brève chronologie du droit et du droit au logement :
1764 – La loi britannique et le Code civil anglais sont appliqués ;
1774 – Le parlement britannique rétablit les lois du Code civil français;
1866 – Création d’un code civil unifié;
1919 à 1924 – Programme d’aide fédéral et provincial destiné à la construction de logements ouvriers ;
1935 – 1938 – Première loi sur le logement au fédéral;
1941 – La Commission des prix et du commerce en temps de guerre adopte les Règlements sur la tenure par bail en temps de guerre, qui imposent un gel du coût des loyers;
1944 – Les débuts de la SCHL (Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement);
1946 – Le gouvernement fédéral fonde la Société centrale d’hypothèques et de logement, dont la mission consiste à stimuler la construction résidentielle et à assurer des prêts hypothécaires consentis par des institutions agréées ;
1948 – Québec adopte aussi une série de lois pour régir le secteur de l’habitation comme la Loi pour améliorer les conditions de l’habitation, la Loi accordant aux municipalités des pouvoirs spéciaux pour remédier à la crise du logement ;
1950 – La commission des loyers « la Commission des loyers, compétence qui s’exerçait principalement en matière de contrôle des loyers et d’exercice par le locataire de son droit au maintien dans les lieux loués. » Certaines municipalités s’exemptaient de cette loi par le biais de l’amendement 12 : « https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1677532/logement-loyer-locataire-quebec-regie-archives ».
1951 – Le gouvernement fédéral abandonne le contrôle des loyers introduit pendant la guerre;
1954 – Loi nationale sur l’habitation élargit le rôle de la Société en lui donnant entre autres le pouvoir de devenir un prêteur direct;
1948 à 1960 – Les diverses mesures mises en place permettent de construire plus de 400 000 logements au Québec ;
1964 – Loi de l’habitation familiale au Québec;
1967 – La création de la Société d’habitation du Québec (SHQ) en 1967 marque le début des programmes d’aide au logement dans la province – la première formule privilégiée à l’époque est celle des habitations à loyer modique (HLM). Financée en grande partie par des transferts fédéraux, cette forme de logement public permet à l’ensemble des ménages rejoints de consacrer seulement 25 % de leurs revenus pour se loger ;
1973 – L’essor des coopératives d’habitations est encouragé par les redevances fédérales;
1977 – Québec suit l’exemple et adopte un programme de financement destiné aux groupes de ressources techniques (GRT) pour accompagner les citoyen-ne-s dans leur projet d’habitation communautaire ;
1979-1980 – La crise économique marque des coupes budgétaires dans ces programmes. La commission des loyers est désormais la régie du logement et signe la création de son propre tribunal. Le FRAPRU est créé aussi cette année;
1986 – Une entente fédérale et provinciale en habitation, qui vient restreindre les critères de sélection ;
1994 – Le fédéral se retire du secteur immobilier et coupe les fonds des programmes d’habitation;
1997 – Création d’Accès Logis;
2020 – La régie du logement devient Le Tribunal Administratif du Logement (TAL);
2023 – Abandon du programme Accès Logis et la création du programme PHAC (Programme d’habitation abordable Québec)
203-2024 – Projet de loi 31 de la ministre France-Élaine Duranceau : 50 ans de recul en matière de droit au logement ;
Rédaction : Charles.
Révision : Marie-Eve Landry