Noé Talbot : 10 albums ayant eu une influence majeure sur ma vie
Publié le 21 Fév 2023 par Antonio Geraldo
Après avoir moi-même écrit un top 10 des albums qui ont changé ma vie de punk rockcoeur, j’ai décidé d’approcher tranquillement des gens de la scène autour de moi afin de sonder leur intérêt à se prêter à l’exercice. Aujourd’hui, Noé Talbot mentionne les albums ayant eu une influence majeure sur sa vie.
Avant de lui laisser la parole, je vous invite à écouter ses divers projets musicaux tels que Noé Talbot, Fortune Cookie Club, Super Punk, Salmine, Col Rouge
– Antonio Geraldo
Tout d’abord, merci de m’avoir proposé cet exercice; c’était le fun de me remémorer les raisons pour lesquelles je suis rentré dans le punk, et de revisiter les albums qui m’ont marqués. En même temps, c’était l’exercice le plus déchirant ever parce que t’es toujours en train de te dire “ah oui merde, y’a cet album là aussi” !
1- No Use For a Name – Making Friends
J’ai hésité entre Making Friends et Keep Them Confused, qui est à mon avis une pépite oubliée dans laquelle ils ont développé un son unique et authentique. J’ai finalement choisi Making Friends. En effet, si j’ai à remonter dans mon passé et à me souvenir le plus justement possible de pourquoi j’aime le punk rock, c’est clairement parce que mon frère et ma sœur écoutaient du punk. Mon grand frère, dieu sait pourquoi, m’a dit à un moment donné que No Use c’était crissement bon. T’sais, les grands frères qui te disent des affaires qui résonnent dans ta tête de p’tit cul comme si c’était la sainte parole.
Il avait le CD de Making Friends, que j’ai subtilisé en secondaire 1. Je l’ai mis dans mon nouveau Walkman, pis je l’ai écouté… pis réécouté, encore et encore ! Je le connais par cœur. T’sais quand tu finis une chanson et que tu sais comment l’autre starte… C’est ça Making Friends.
Cet album apparaît en premier, parce que j’ai maintenant un regard plus aiguisé concernant les textes de Tony Sly. Aujourd’hui, je me rends compte que le gars écrivait de super belles chansons, vraiment mélodiques !! Ça aurait pu être parfois de grosses tunes pop ce qu’il écrivait et c’est pourquoi ça rend si bien aussi sur le split de Joey Cape et Tony Sly (album que je cite ici, que je ne mets pas dans ma liste, mais qui occupe clairement une place énorme dans mon cœur). Je réalise aussi que cet album a probablement influencé ma façon d’écrire, inconsciemment; un gros débit de phrases dites rapidement, mais très mélodiques. C’est un peu ce que je fais aussi en musique. On me dit souvent que j’ai beaucoup (trop?) de mots. Ce débit vient sûrement un peu de Making Friends.
No Use est pour moi un indélogeable punk #1. Je les ai vus durant un road trip au Michigan quand j’avais tout juste 18 ans, avec NOFX et les Flats. C’est probablement le gros band, et celui que j’ai vu le plus souvent en show. D’ailleurs, j’avais fait de la route un peu partout au Québec pour les suivre. J’avais récupéré un pick dont je m’étais fait un petit collier (cute little Bennyboy ahah!). Pis le fameux “What’s your name? FUCK YOU THAT’S MY NAME !”. On criait ça en attendant à l’extérieur des shows de No Use et câline que dans ma petite tête d’ado c’était extraordinaire. Bref, No Use c’est malade. Cet album-là y torche de A à Z.
2- Vulgaires Machins – Aimer le mal
Je mets cet album-là en deuxième, bien que j’aurais pu mettre tous les albums des Vulgaires (sauf Regarde le monde). Si je les place si haut dans mon top, c’est que je réalise aussi l’importance que ce groupe a eu dans ma démarche pour chanter en français. Mes deuxième, troisième, voire même peut-être quatrième show à vie c’étaient de voir les Vulgaires Machins.
Marché aux puces Carignan. Ils venaient de sortir Regarde le monde. Ma sœur m’avait fait écouter 24-40. J’avais des étoiles dans les yeux; cet univers était excitant. Ça a été pas mal les seuls albums en français que j’ai écoutés durant toute mon adolescence, avec Manu Militari, Béru et les Ordures.
Aimer le mal est encore l’un des albums que je ne connais que trop. Chaque mot. Je les ai vus un peu trop souvent en spectacle. Je me souviens quand le clip de “Comme une brique” est sorti à Musique Plus. Les Vulgaires ont fait partie de ma vie pendant un bon 5-10 ans. Quand Compter les corps est sorti, j’me suis dit “wow ces textes-là, c’est quelque chose”. Ils me faisaient réfléchir, ils mettaient en musique des choses que j’apprenais au Cégep, c’était nice.
Depuis que je suis enfant, je passe des soirées complètes à lire des paroles de chanson en tentant d’en comprendre le sens. J’ai tellement appris sur la vie et l’être humain grâce aux bands punks, comme premiers cours de philo et de politique. Les Vulgaires s’y retrouvent au premier rang. Leurs textes sont beaux et straight to the point. Leurs mélodies sont magistrales.
Enfin, je termine sur une petite anecdote : Au cégep, dans mon dernier cours de français, j’avais une prof trop cool. Elle invitait une personnalité chaque session, mais ne savait pas encore qui ça allait être à ce moment-là. Je lui avais alors proposé Guillaume (le chanteur). Et elle a accepté et l’a invité. Je me souviendrai toujours d’avoir posé la question : “pourquoi chanter en français ?”, ce à quoi il avait répondu : “parce que le punk en français c’est juste la meilleure chose au monde”. J’écrivais déjà beaucoup en français, on venait de créer FCC, j’avais quelques tunes de Noé. Mais quand même. Un an plus tard, je n’écrivais plus mes chansons en anglais. Cette prof avait tellement été gentille que j’ai pris la décision d’étudier en littérature à l’université… Comme quoi, parfois les choix de vie ne tiennent qu’à peu de choses.
3- NOFX – Pump Up the Valuum
Voilà un autre album emprunté à mon frère, que j’ai fait tourner non-stop dans mon Walkman durant mes longs trajets d’autobus vers l’école. Après avoir lu leur biographie, NOFX est pour moi le band punk le plus respectable. Je trouve que c’est l’incarnation même de l’idéologie punk. Le groupe est divisé et uni à la fois, c’est sketch, mais c’est nice, c’est sale, mais léché en même temps, ça ne chante pas bien, mais c’est très harmonique.
On dirait que c’est juste dans le sweet spot. NOFX, au même titre que les Vulgaires, m’ont ouvert les yeux sur plein de choses. La chanson Total Bummer résume selon moi la tristesse de l’Occident d’une manière si juste et si simple avec quelques phrases : “Why won’t anybody fuck me, I don’t want to live life lonely, why does everyone has to be perfect?”. Fat Mike c’est le roi de la punchline, mais aussi des chansons qui parlent de n’importe quoi.
Je trouve que Pump Up est un chef-d’œuvre. J’ai l’impression que c’est à ce moment qu’ils ont trouvé leur son complètement unique. Pour moi, cet album signe à mon avis le début du punk moderne. Certain.ne.s diront que c’est So Long, mais pour moi, l’année 2000 avec Pump Up c’est l’entrée dans une nouvelle ère du punk. Reste que ce disque-là qui parle de cannabis, de changement de sexe, de lundis et de fin du monde est encore un délice à écouter aujourd’hui. Malheureusement, je ne peux en dire autant de tous les albums de punk de la fin des années 90.
4 – Frank Turner – Love, Ire and Song
Je me permets d’inclure Love, Ire & Song parmi mes différents coups de cœur, parce que selon moi, personne n’y a mieux traduit l’essence “punk” que Frank.
Comme 90% des groupes que j’aime, la première fois que j’ai entendu Photosynthesis sur mon fil d’actualités Facebook, j’ai trouvé ça bien ordinaire. Quelques mois plus tard, j’aimais quand même assez. Un an plus tard, j’étais fan.
Frank Turner allait être mon artiste préféré durant des années. Par ailleurs, on me dit souvent que ce que je fais ressemble à du Frank Turner en français. Si c’est le cas, j’en suis bien content !! Je trouve qu’il apporte au folk tout ce qu’il y a de meilleur dans le punk. Les textes sont fabuleux, y’a des lignes d’accroche incroyables. Ça te fait pleurer, rire, ça te donne le goût de vivre. Tu te sens compris quand t’écoutes du Frank.
À force d’avoir étudié l’écriture de chansons, je me dis que c’est ça la réelle force du compositeur : écrire une histoire qui nous parle, nous transporte, pour qu’on se sente compris, moins seul.e et plus vivant.e. Frank c’est clairement ça, et cet album est un bijou inqualifiable qui passe par plein de vibes. Ce disque m’a aussi conforté dans mon choix de faire plus de musique avec ma guitare acoustique.
Le meilleur de toute l’histoire, c’est que Frank a pris la traduction française que j’ai fait de sa chanson “Substitute” et l’a utilisée pour sa tournée française et canadienne. Il a proposé qu’on joue quelques chansons ensemble dans un après-spectacle à Montréal. C’est clairement l’un des meilleurs moments de ma carrière musicale.
5 – Blink 182 – Album Eponyme
Je ne sais pas si c’est le bon album à choisir, mais c’est définitivement le meilleur de Blink à mon avis. Ils ont amené le pop punk à une autre place et cet album m’a toujours fasciné.
J’ai toujours aimé quand les bands évoluent, changent et essaient des nouveaux trucs. C’est le cas avec cet album. Par exemple, la collaboration avec le chanteur de The Cures ou la chanson « Down » qui est pour moi du génie. Cela fait que Blink mérite un immense respect, autre que pour ses chansons d’adolescent très saccharinées (très bonnes aussi, hein!). Je suis fan de tous leurs albums, jusqu’à l’Éponyme. Je crois que l’influence de Blink sur mes premiers bands punks a été énorme; le EP de « Old School Politics« , « The Vortex« , est clairement fait par des jeunes qui aiment beaucoup trop Blink-182 et Sum 41.
6 – Relient K – Mmhmm
Durant 2 années de ma vie, j’ai vécu une phase durant laquelle j’étais vraiment fan de pop punk le plus accrocheur possible. J’écoutais un tas de groupes un peu moins connus du grand public punk, comme Amber Pacific, Hawk Nelson, Homegrown, Something Corporate, Bowling for Soup, etc. J’ai toujours beaucoup aimé les belles mélodies, les harmonies vocales, les chansons pop ayant un petit quelque chose de spécial.
Honnêtement, j’ai hésité entre mettre l’album de Bowling for Soup « A Hangover you don’t Deserve » (chef d’œuvre pop punk à mon avis).
Mon choix s’est finalement arrêté sur l’album de Relient K « Mmhmm ». C’est probablement l’un des premiers albums punk que j’ai écouté. Sévèrement saupoudré de piano, cet album est à mon sens l’un des meilleurs du pop punk des années 2000. En fait, le chanteur maîtrise vraiment son instrument. Les mélodies sont travaillées, les harmonies vocales aussi, les transitions entre moments très punks et petits moments doux de piano sont bien orchestrées.
Je pense que « Mmhmm » a eu une belle influence sur mon parcours. J’ai alors constaté que les bands punks ça peut être autre chose que juste du drum, de la basse et de la guitare. Si j’avais un album pop punk à faire écouter après les Blink-182 et Sum 41 de ce monde, ce serait clairement cet album de Relient K. Si vous ne connaissez pas, allez écouter, vous ne regretterez pas.
7 – Strike Anywhere – Dead FM
Il y a peu de bands punks des débuts 2000 en anglais possédant des textes vraiment étudiés et au sein desquels je sens un certain militantisme de la part de groupe. Quand on écoute Strike Anywhere, on est assez loin de Pennywise, mettons. J’ai un attachement particulier envers eux; c’était mon premier show aux Foufs à 17 ans (merci aux fausses cartes haha).
Ce que j’aime de Strike Anywhere et qui a beaucoup influencé Fortune Cookie Club, c’est cette facilité à créer des moments ultra fédérateurs qui nous donnent envie de chanter.
On sent que le groupe fait de la musique pour de bonnes raisons : « When I found out my heroes are just parasites« . Cette phrase du groupe m’a inspirée pendant des années, sur ce que j’avais envie de faire en musique, d’avoir des valeurs et de pas juste chanter des choses pour ensuite me crisser de mes actions; combat de tous les jours contre soi-même et contre notre lassitude, je dois dire. Bref, album super, belles mélodies, beaux textes, que demander de mieux?
8 – Make Do and Mend – End Measured Miles
Les gars de The Hunters m’avaient fait découvrir ce band pendant une tournée. Cet album est attaché à tout un pan de ma vie; une période triste en fait quand je regarde en arrière. J’étais coincé dans ce rêve d’idéalisation d’une vie de punk toujours sur la route à me pourrir la santé, à manger de la merde, à dormir mal, à fumer du pot sans arrêt, à me saouler tout le temps, à scrapper ma relation amoureuse et à manquer de respect à ceux qui m’entouraient, moi-même inclus. Pour moi, cet album c’est le souvenir d’un sentiment de désespoir; le genre de feeling sombre, qui ironiquement nous nourrit : T’sais, quand tu te sens comme de la merde, mais que t’as envie de rester là-dedans et de tourner le couteau dans la plaie.
J’étais alors début vingtaine et je me pensais punk alors que je suivais un modèle niaiseux. En même temps, c’est aussi un apprentissage. Le erreurs que j’ai faites m’ont permis d’évoluer : je suis dans le même band depuis 10 ans, avec les mêmes boys; on s’aime et on peut encore faire ça ensemble.
Bref, l’album End Measured Miles parle justement de ça, de se pourrir la vie en tournée et de continuer malgré tout parce qu’on ressent un besoin dévorant de continuer à le faire, à vivre cette magie de la tournée qui fait que tous les soirs quelque chose d’excitant peut arriver. Je mets aussi cet album ici parce qu’il est le premier dans ce genre de nouveau punk que j’ai vraiment dévoré. Les guitares moins distorsionnées, les leads plus ambiants, des passages plus doux laissant place aux mélodies vocales… Je trouve que cet album est vraiment bon, bien que le groupe m’ait un peu perdu par la suite. Il n’en demeure pas moins que cet album est imprégné d’une époque très sombre et très lumineuse à la fois.
9 – Millencolin – Home from Home
Une de mes ex trippait sur Millencolin. Moi, j’aimais No Use. On se chicanait toujours gentiment à savoir quel band était le meilleur (ah l’adolescence!). Rétrospectivement, Millencolin ça torche bin raide.
J’ai hésité entre l’album Dinosaur 15 ou Home from Home. Encore une fois, c’est un band qui n’a pas hésité à évoluer et à flirter avec la ligne entre le rock et le punk. Ils appelaient ça du « softcore » et ce terme m’a tout de suite parlé. Si on avait à définir les genres de punk (c’est un peu nono, mais bon, je m’échinais à faire ça quand j’étais ado), je dirais que certains groupes ont cet espèce de truc qui n’est pas exactement punk rock, pas exactement pop punk et pas exactement rock non plus, ou plutôt ils sont tout ça à la fois. C’est le cas de cet album de Millencolin, tout comme Compter les Corps des VM, de l’album éponyme de Blink ou du premier album de Dead Pop Club.
Depuis que j’ai environ 20 ans, c’est mon “genre de punk” favori. Bon, je sais qu’on chipote pas mal, mais quand on écoute vraiment beaucoup de punk, on finit par faire des différenciations entre les sonorités. J’aime appeler ce type-là le softcore; merci à Millencolin.
Home for Home c’est rock, mélodique à souhait, c’est pesant et ça reste malgré tout assez linéaire; il y a souvent ces petites anticipations sur les contre-temps dans les refrains dont je suis moi-même friand quand j’écris. Véritable pépite en son genre avec des chansons de feu comme « Black eye » ou « Battery Check« , c’est un incontournable punk à mon avis.
10 – Guérilla Poubelle – Punk=existentialisme
Comment passer à côté des Guérilla? J’ai acheté le CD au X2O parce que j’en avais entendu parler par une amie. J’ai tout de suite beaucoup aimé. Je trouve que les textes sont bruts et bien amenés. C’est l’éthique du groupe : le minimalisme. Ils sont passés maîtres dans l’art de le faire.
Je les ai vus en show au Underworld et ça a été une grosse claque. Pour celleux qui connaissent, vous savez que Guérilla donnent un show de malade. C’est probablement un des groupes, voire LE groupe, que j’ai vu le plus de fois dans ma vie.
Je me souviendrai toujours de la blague de Till (le chanteur) : « Vous aimez les Trois Accords? Non?! Ça tombe bien cette chanson elle n’en a que deux!« . Puis, les multiples hasards de la vie ont fait que les GxP sont devenus mes amis, qu’on a tourné ensemble plusieurs fois et que j’ai pu décortiquer leur show en long et en large. Ils ont eu une grande influence sur ma façon d’intervenir entre les chansons. Till est une bête de scène et ses mots sont toujours bien calculés et réfléchis. Ils m’ont aussi emmené avec eux dans ma seule tournée est-européenne; ça fait partie des plus beaux souvenirs de ma vie. Bref, album phare du mouvement punk français des années 2000, Punk=existentialisme c’est un album qui se vit, se chante et nous amène à réfléchir, sur tout ce qu’on aime du punk.
Le dernier mot de Noé
Voilà voilà, j’aimerais faire quelques mentions spéciales à des albums qui n’ont pas fait mon top 10, mais qui sont néanmoins des petits bijoux : « La cour des grands » de Intenable, « And out Come the Wolves » de Rancid, « Just Like You » de Three Days Grace, l’album de Pup, « Nevermind » de Nirvana, « Cool to be You » des Descendents, « Dancing for Decadence » des Sainte-Catharines, tous les albums des Offspring et probablement encore plein d’autres que j’oublie, mais bon c’est le principe de l’exercice !!
Texte Noé Talbot
Revu et Corrigé par Julie Fortin