
CONTINUONS LE COMBAT DES CONTRE-CULTURES
Publié le 08 Jan 2024 par Charles Loco
Enfin ! Je suis un collabo. J’ai toujours rêvé d’être embrigadé dans un groupe où l’on s’identifie avec les mêmes traits pour mener à bien “notre projet”! (Insérez ici votre meilleur mème de Macron.) Si l’on met de côté cette blague de qualité discutable, il y a bel et bien un aspect identitaire marqué pour les contre-cultures et à leurs musiques respectives. Ces contre-cultures ont une fonction sociale.
Pierre Falardeau parlait de la lutte au Québec sous le même prisme dans le livre : “Continuons le combat”. Il y a quelques passages de la préface du livre par Mathieu Boucher, qui vont être utiles à la réflexion : “La lutte est un spectacle qui parle de notre société et qui agit sur nous. C’est à la fois un miroir et un calmant. L’important ce n’est pas la lutte, l’important est la démystification des mécanismes d’aliénation.” […] c’est un rituel populaire […] jouant le même rôle social : concentrer les frustrations d’une masse autour d’un spectacle, fournir une illusion de pouvoir, […] vendre du rêve et vidanger les émotions d’un peuple moribond”.
Qu’est-ce que le principe des contre-cultures?
C’est tout d’abord en rejetant la culture de masse avec tout ce que ça représente, de codes et de valeurs, que les celles-ci naissent. Rap, punk, hardcore, name it ! C’est à peu près le même procédé partout: des rappeurs new yorkais jusqu’au punk anglais. Tous ont eu comme démarche de se mobiliser, de rejeter la culture d’une classe qui n’est pas la leur. Tantôt parce que celle-ci ne reflète pas leur réalité, tantôt parce qu’elle les opprime. Des femmes et des hommes se sont réunis, afin de créer un espace et un environnement qui répondent de front à une réalité : la leur. On peut aisément trouver des exemples pour chacune d’elles.
Les exemples
De Public Enemy à N.W.A, ce sont d’abord des gens de la rue qui dénoncent une société américaine raciste, qui les font vivre dans des ghettos, ostracisés par une police violente et raciste. Parfois, le système flaire la bonne affaire et les ingère. C’est un peu l’effet hégémonique d’une culture à une autre. N’empêche que le mouvement a vu le jour dans la rue par et pour des gens issus de milieux défavorisés et marginalisés. Pour se rassembler entre eux ainsi que quiconque qui s’y reconnaît autour de leurs thèmes. Le rap est ici un prétexte, parce qu’on trouve le même procédé du côté punk.
Le punk british est quant à lui en réaction face à Thatchérisme. Margaret Thatcher, pour les non-initiés, a été première ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990. C’est une politicienne néo-libérale aux valeurs de droite religieuse et de facto conservatrice. Elle était une amie proche du dictateur Augusto Pinochet qui a fait un coup d’état au Chili en ‘73. C’est la seule sorcière qu’on aurait dû brûler, dans l’histoire de l’humanité.
De l’autre côté de l’Atlantique, en Amérique-du-Nord, le punk des New-York dolls est quant à lui collé sur les codes gays et trans, durant les années Nixon. Pour ceux qui ne le savent pas, Richard Nixon est la version masculine de Thatcher. Il a été président des États-Unis de 1969 à 1974 et a démissionné suite à des allégations de corruptions. Bref, c’est dans un esprit nihilisme de guerre froide, de récession économique, teinté de contestation. C’est au travers des mouvements de décolonisations que le punk voit le jour.
C’est particulièrement éloquent lorsque les mouvements ont des valeurs en opposition à celles véhiculées par la société dominante. Ça crée automatiquement un mythe. Un mythe c’est un système de communication, c’est un message, disait Roland Barthes. Autour de ce mythe vont venir se coller un ou des rituels et un langage associé. Surtout une opposition à la culture dominante. Et c’est cette opposition qui va créer l’exutoire recherché, fournir une illusion de pouvoir et l’espace pour exercer les rituels autour des mythes que l’on se crée. C’est ici que le temps d’un instant, les frustrations d’une masse vont se concentrer autour d’un spectacle. Ce procédé sert finalement au système et devient un outil de classe.
Mais qu’en est-il aujourd’hui au Québec ?
Évidemment, comme j’ai grandi et vit à Montréal, mes grosses lunettes ostentatoires montréal-o-centriste, vont venir teinter le point de vue, mais c’est encore le même procédé qui s’opère. Du côté Redskins, on a les copines et les copains des Unions Thugs avec leur folk-punk engagé. La musique est ici un prétexte à leur militance. Mais c’est le même procédé d’exutoire qui s’opère. La militance est une façon de s’approprier du pouvoir par l’action et non par l’observation de ce dernier.
Toutefois, du côté reggae/dub, ils sont parfois engagés, tantôt spirituels, souvent dans la fête et le positivisme. La Vie ou Alex Paquette vont parler de la réalité de nos quartiers populaires et de tout ce qui « n’est pas normal« . Les Francbatards et Kon-Fusion unis sous la diversité pour dénoncer les travers d’une société capitaliste.
Ensuite le punk. De la pop au plus underground, a plus souvent qu’autrement un fond contestataire plus ou moins exacerbé selon le degré d’underground qu’est le band. Un Noé Talbot qui, entre deux chansons de peine d’amour, est capable d’envoyer une flèche à Martineau ou à la monotonie de notre mode de vie occidental.
Du côté hardcore, ce sont tous les groupes qui ont une ascendance straight edge qui peuvent flirter avec le véganisme ou l’écologie. Dans la scène montréalaise hardcore, c’est devenu beaucoup plus inclusif : gays et trans friendly. Beaucoup plus de femmes, même si on est loin de la parité, c’est quand même une nette amélioration à souligner!
En conclusion
J’ai remodelé une citation de Bertolt Brecht tirée du livre “sur le cinéma”, mais la citation s’applique à tous les arts, toutes catégories confondues : « aussi longtemps que l’on ne critique pas la fonction sociale de la musique, toute critique musicale n’est qu’une critique des symptômes et n’a elle-même qu’un caractère symptomatique. Elle s’épuise dans les questions de goût et demeure complètement prisonnière des préjugés de classe. Elle ne voit pas que le goût est une marchandise ou l’arme d’une classe particulière, elle le pose dans l’absolu. » Eh oui, notre bon vieux Berth était woke. OG woke, avant que ce soit à la mode de l’être. Tout comme la majorité des contre-cultures et comment elles sont nées. Alors à tous les droitards, réacs et conservateurs de tout acabit de la scène, embrassez un woke pour les belles scènes, les bons spectacles et notre contre-culture adorée.
Paix et résistance.
Charles.
Rédaction: Charles Loco
Correction: Josée Marcoux
Révision : Marie-Eve Landry