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Guhn la censure !

Publié le 16 Avr 2024 par

Depuis plusieurs années déjà, les journalistes et intellectuels soulèvent une question importante qui lie liberté de presse et commanditaires. D’importants donateurs trouvent soudainement qu’il peut y avoir conflit d’intérêts dans certains sujets ou certaines critiques. Les donateurs exercent pressions et influences. Ne voulant pas perdre une source importante de revenu, le journal cède. Le lobby exerce un contrôle d’informations. On s’inquiète désormais pour la liberté d’expression et la censure. Depuis, la pratique s’est répandue. À un point tel où même la scène musicale en est victime. Dernièrement, un groupe de métal extrême de Rouyn-Noranda Guhn Twei, s’est vu annuler un spectacle du festival AlienFest de La Sarre, à cause de propos tenus dans leur chanson contre la multinationale Fonderie Horne, Ghun la censure !

Ledit festival a été annulé par la suite. Le principal commanditaire de l’événement, Métal Marquis, jugeait les paroles trop sensibles : « Nous sommes un des fournisseurs de la fonderie [Horne] et c’est exactement là que ça devient sensible », explique Francis Pépin, organisateur et actionnaire de l’entreprise. La question que nous devrions nous poser ici c’est : que reproche Guhn Twei à la Fonderie Horne et pourquoi Métal Marquis se voit-il en conflit d’intérêts ?

Deux personnes fixent la caméra avec des regards sérieux.
Les membres du groupe Guhn Twei estiment que l’annulation de l’AlienFest représente une forme de censure.

PHOTO : RADIO-CANADA / Gabriel Poirier (Consulter le profil)

Écocidaire

Avant toute chose, cet événement représente en lui-même, un fait social global, selon Mauss. Un élément, ou dans ce cas-ci, un évènement dans une société où tout est résumé. Tout est expliqué et tout est clair. Les rapports de force économique, les questions de classes, le lobbyisme, le statut d’artiste. Tout le reflet de notre société est résumé par cet unique événement.

Voyez-vous, ce qui est reproché au groupe Ghun Twei est de dénoncer l’empoisonnement à l’arsenic produit par la Fonderie Horne. Pour les néophytes, la Fonderie Horne est une usine qui transforme le cuivre depuis 1927. Cette industrie meurtrière est géolocalisée à proximité de la ville de Rouyn-Noranda, ce qui la rend d’autant plus dangereuse. En effet, la seule fonderie de cuivre au pays peut émettre jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube (100 ng/m3), loin de la norme prévue par Québec (3 ng/m3). Les émissions historiques d’arsenic et de cadmium de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer. Certains s’inquiètent, avec raison, des répercussions sur la santé des résidents. Cette fonderie est la propriété de Glencore, une multinationale mondialement connue pour être écocidaire. Le canard huppé rapporte :

« Glencore est notamment une des entreprises à la tête du commerce de charbon et d’autres matières premières ayant encore augmenté leur exploitation de pétrole de 34 % comparé à l’année précédente. C’est également l’entreprise qui a été désignée par PublicEye comme la “moins responsable” avec le plus de violations des droits humains de toutes les entreprises suisses (suivie par Nestlé, LafargeHolcim, Syngenta et Credit Suisse) pour avoir, entre autres, empoisonné des familles et des villages en République démocratique du Congo (RDC), en Zambie, au Tchad, au Pérou, au Brésil, au Canada et en Colombie. » 

désastre écologique au Brésil
L’accident, prévisible, qui a frappé une région entière de l’État du Minais Gerais au Brésil illustre la « planification extractive » placée sous le commandement de firmes transnationales pour qui l’extraction de plus-value écrase la terre et ses habitants.

Liberté Économique


Pointer du doigt ce qui nous empoisonne n’est ni trop sensible, ni trop engagé. C’est la seule chose à faire, avec la mobilisation subséquente à la dénonciation. Les commandites sont et ont toujours été un cul-de-sac. Une dépendance et un rapport de force sont automatiquement créés. Un pouvoir économique qui assujettit le receveur à la volonté du donneur. C’est ça un commanditaire. Les entreprises n’ont jamais été réputées être démocratiques, alors comment leur fonctionnement dans la société pourrait l’être ? 

L’art et les artistes

La position de l’art, des artistes et leur rémunération dans notre société devraient être soumis au même questionnement. Si les artistes sont soumis aux subventions. Si les festivals pour exister sont soumis aux commanditaires. À qui cela profite vraiment ? La musique a souvent été l’arme des faibles et des conquis pour exprimer leur colère, faire réfléchir à leur position dans la société et créer un espace de résistance. -Tout comme l’humour, d’ailleurs, si ces propos vous intéressent, allez écouter l’épisode 6 de Total Idiot.- L’héritage du blues peut témoigner d’outils de classe et de contestation comme arme pour dénoncer.

La censure illustré
Photo tirée de La Presse

Conclusion

L’organisateur et actionnaire prouve une fois de plus que ce modèle économique n’est pas viable. Surtout, il montre que la lutte des classes est toujours d’actualité. Quand les propos d’un seul prolétaire font autant réagir une si grosse entreprise, La Boétie avait raison : « ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Les artistes et l’art sont vus comme des marchandises, des produits de consommation et ils sont traités comme tels. Ceux qui sont achetés gagnent, et ceux qui résistent perdent. Les Vulgaires Machins disaient dans la chanson A : « le silence est la clé de l’Amérique. » Le statu quo et la docilité profitent aux systèmes. Il n’en tient qu’à nous de nous lever et briser le silence.

Rédacteur : Charles Loco

Correction : Val Girard

Révision : Marie-Eve Landry