Autre Part – « Le pire est à venir » est un coup de génie
Publié le 12 Juil 2024 par Charlie Anderson
C’est dans les derniers jours de juin dernier que j’ai découvert, pour la première fois, le groupe montréalais Autre Part. Installée dans la métropole depuis peu, cette formation dont les membres viennent principalement d’Abitibi et de la Gaspésie s’est trouvée une place dans l’immense constellation musicale caractéristique de la grande ville, eux qui évoluent dans l’univers du shoegaze et de divers styles musicaux qui s’y rattachent.
Lorsqu’on m’a écrit à leur sujet, j’ignorais absolument tout d’eux. Puis j’ai plongé dans leur tout premier album, Le pire est à venir. Un petit album de dix chansons avec une durée approximative de 39 minutes, dont la pochette m’avait intrigué. J’ai mis mes écouteurs, j’ai lancé l’album du début et je me suis laissé porter.
La qualité d’une œuvre
L’album commence avec deux œuvres qui, selon moi, sont absolument nécessaires pour plonger, de la tête aux pieds, dans l’expérience qu’est Le pire est à venir. Et je tiens à souligner ce point parce que c’est un exemple important qui peut servir pour beaucoup de groupes. L’art de composer un album, pour des raisons bien compréhensibles (j’ai déjà écrit un article à ce sujet), se perd de plus en plus. Les groupes composent des chansons avec la structure d’un single bien « punché », et c’est normal. Le problème, c’est que la grande majorité d’entre eux refusent d’arrêter de sortir leurs chansons sous forme d’album – qui restent dans leurs habitudes comme une finalité nécessaire, qui nous permet de tourner la toute dernière page et qui nous donne l’impression d’avoir terminé quelque chose de concret lorsqu’on le termine.
Le point où je veux en venir, c’est que de moins en moins d’artistes savent encore aujourd’hui écrire d’excellentes chansons d’album. Rouge Pompier l’a fait récemment avec des titres comme Pas d’accord ou Transfusion, et c’est toujours un baume pour mon cœur d’homme qui approche dangereusement la quarantaine. Mais Autre Part, composé de membres dans la douce vingtaine, lance un album avec deux chansons, Nouveau regard et Silence radio, qui nous plongent tête première dans un univers psychédélique lourd et troublant. Ces deux chansons, très ambiantes, auraient pu me faire décrocher, mais le talent et la singularité présents à travers ces deux titres trahissent la qualité de l’œuvre, et plutôt que d’écouter les chansons de façon désintéressée, on s’y accroche.
Puis vient Incendie.
Je pourrais écrire à propos d’Incendie pendant plusieurs paragraphes. Elle arrive dans l’album comme une bombe – subitement, l’énergie, tout en restant fidèle à l’album, change drastiquement. Et c’est le dévoilement d’une tout autre dimension d’Autre Part, un indice flagrant de leur influence, comme une pièce de casse-tête qui nous offre le portrait complet d’un album qui a subitement du sens. Incendie nous martèle le même riff, très lourd, comme une répétition qui passe d’une surprise à un statement.
Incendie est suivie d’Ascension/Descente, une autre très forte chanson d’album qui nous fait revenir un peu sur terre, mais qui laisse sa place à La machine, qui confirme ce que Incendie nous proposait – une dimension qui ne se limite pas qu’au shoegaze, mais qui fait miroiter un mélange d’influences brillamment exécuté.
Le ciel est malade succède à La machine, et elle est, à mon avis, la chanson qui représente le mieux l’album. C’est une poignante expérience d’un bout à l’autre avec des paroles qui donnent froid dans le dos et une évolution musicale changeante qui nous raccroche bien au concept de l’album.
Ensuite, des titres comme Le monde à l’envers et Territoires, viennent nous reprendre dans leurs bras, et on surf tranquillement jusqu’à Ne plus craindre la mort qui atterri comme un point final bien exécuté nous permettant de terminer sur une belle, longue note avec laquelle on refait surface.
Le pire est à venir appartient à ce genre d’album que j’écoute personnellement en arrière-plan et que j’apprécie, mais qui ne me marque pas plus qu’il ne le faut. Celui-ci, cependant, a su garder mon attention pendant la majeure partie de l’expérience dû uniquement au talent des musiciens et au fait qu’il se démarque des albums de son style.
Le pire est à venir possède ce « je-ne-sais-quoi » qui reste dans ma tête et qui valide la formation à mes yeux. Autre Part n’est pas qu’un des milliers de groupes de musique de la scène québécoise, il a son identité propre et une musique que j’arriverai à distinguer sans mal des autres, comme on reconnaît les Chili Peppers ou même Bérurier Noir. C’est un feat impressionnant, surtout pour un premier album. L’identité très forte et très singulière du groupe, bien présente, nous laisse l’impression que les jeunes artistes qui le composent ont un potentiel bien prometteur.
Le pire est à venir – 8/10
Rédaction :
Correction : Val Girard
Révision : Marie-Eve Landry