
Dernier pas dans la marginalité
Publié le 04 Mai 2024 par Charles Loco
Les boutiques X20 et RIO sont, pour plusieurs d’entre nous, les premiers pas dans la marginalité. La fermeture précipitée des boutiques à Montréal a de quoi rendre nos cœurs lourds, c’est le dernier pas dans la marginalité pour ces boutiques. On pouvait lire sur la page Facebook du X20-RIO la note suivante :

La note soulève plus de questions qu’elle y répond. Une demande d’entrevue a été adressée au directeur général et à la propriétaire. Seul le directeur général a répondu et a décliné la demande d’entrevue. Une enquête a été menée auprès d’ancien·ne·s employé·e·s qui ont demandé l’anonymat. Voyons les raisons qui ont mené à la fermeture, dans l’ordre de ladite note. Si pour vous, la nostalgie est une chose importante, cet article va la piétiner sans vergogne.

Contexte économique et relève
Il va sans dire que la pandémie a affecté la vaste majorité des commerces et commerçant·e·s de vente au détail. Or, la vente en ligne a permis au X20 de survivre durant la pandémie. La boutique de Québec a connu le même sort, elle reste tout de même ouverte. Connaissez-vous la différence entre les boutiques de Québec et de Montréal ? Les boutiques de Montréal sont nouvellement syndiquées. Le 27 mars 2023, les salarié·e·s des Boutiques X20, RIO et X202 ont été accrédité·e·s sous la Fédération du commerce (FC-CSN). Lorsque la propriétaire Liliane Théberge et le directeur général Gabriel Julien ont appris la nouvelle, ils ont tous deux dit, sous le coup de l’émotion, qu’ils allaient fermer les boutiques, et ce, avant même de connaître les demandes des employé·e·s.
Au cours des années, plusieurs gestionnaires et gérant·e·s ont fait preuve d’implication et de dévouement. L’incapacité des propriétaires et de la haute direction à coopérer, à reconnaître la valeur de leurs employé·e·s et leur caractère réactionnaire sont à la source du manque de relève. Ce n’est pas étranger à la récente accréditation des employé·e·s, également. Gabriel Julien est le neveu de Liliane Théberge, la propriétaire. Il occupe le poste de directeur général. M. Julien occupe un poste important. Il est donc de facto, une relève. À première vue, ce qui semble naturel, c’est qu’il prenne les rênes de l’entreprise. De quelle relève parle-t-on alors ? Les propriétaires ont tenté de vendre le commerce, à quelques reprises, comme à Néon notamment, mais sans succès.
La retraite ?
Une retraite, ça se planifie plusieurs années d’avance. Ici, aucune des personnes rencontrées n’a rapporté la retraite, avant l’arrivée du syndicat. Le bon fonctionnement des magasins n’est pas dû à la haute direction ou à la propriétaire, comme le suggère la note. C’est plutôt le fruit du labeur des salarié·e·s et des gestionnaires sur le plancher. Mme Théberge s’occupe plutôt de la comptabilité. Elle est aussi impliquée dans les ventes sur le web et dans la boutique de Québec. S’il n’y a pas de relève et que madame Théberge prend réellement sa retraite, qui sera propriétaire ? Qui opèrera les boutiques en ligne et la boutique de Québec ? Qui prendra la relève ? Mystère et boule de gomme !

Fermeture des boutiques montréalaises et demande syndicale
La fermeture des boutiques ne semble pas étrangère à la récente accréditation des employé·e·s. Les deux branches non syndiquées ne sont étrangement pas menacées de fermeture. Le 15 février dernier se tenait une action menée par la CSN en soutien aux salarié·e·s qui étaient en négociation depuis trois mois, afin d’obtenir leur première convention collective. Cette convention avait pour but de s’entendre avec l’employeur. Les négociations, ça prend du temps et de la bonne foi des deux partis. Le mépris des salarié·e·s par la propriétaire et le directeur s’opère de différentes façons : difficultés à communiquer, renvoi injustifié de salarié·e·s, favoritisme, faible salaire, manque d’heures et harcèlement psychologique, et ce, de manière fréquente et depuis longtemps. Des sources rapportent ces dires aussi loin que dans les années 90 et 2000. Bref, les demandes syndicales allaient en ce sens. Malheureusement, cette convention ne verra jamais le jour.

Conclusion
Bien que les derniers jours des boutiques soient amers pour plusieurs, l’une des personnes rencontrées désire adresser ces quelques mots. Pour conserver son anonymat, appelons le Dr Godzila Goyette ou Yvan Pudshoes. Non, mais tant qu’à choisir un nom fictif, aussi bien être créatif !
« X20-RIO, c’était quand même plus qu’une simple boutique. Ce serait trop simple de réduire ça à une histoire tragique. On pourrait presque dire que c’est une partie de notre patrimoine québécois. Ce fut un beau point de rencontre pour les marginaux à travers les années. C’est assez rare pour être nommé, qu’un magasin réussisse à se faire une petite place dans nos cœurs. Cette boutique, elle représente le début d’une rébellion pour plusieurs d’entre nous. Le début d’une affirmation de soi, un fuck you majestueux dans la tronche des normes sociales.
Puis ça, c’est beau ! Je me dis, vous avez le droit de connaître l’envers du décor, ça vous revient. Mais, ça n’enlève rien à vos beaux souvenirs et à votre nostalgie que vous avez en lien avec cette institution-là. Parce qu’au final, ce qui faisait la beauté de la place, c’est la communauté qui s’était greffée autour. Bien oui, il y avait du beau linge et de bien belles bottes. Par contre, ce qui a rendu la chose mémorable, c’était l’ambiance et les p’tits bouts d’âme que chacun·e des employé·e·s ont mis dans la place. Je lève mon verre à tous ceux et celles qui ont travaillé, de passage ou d’arrache-pied, afin de nous offrir l’expérience X20-RIO. Pas celle des propriétaires, mais la nôtre : celle qui compte. Cheers la gang ! »
Solidarité avec tous les sans-emploi!

Vous voulez vous syndiquer? C’est votre droit!
L’article 3 du Code du travail prévoit le droit d’appartenir à une association de salarié·e·s de son choix et de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration. Se syndiquer, c’est insuffler de la démocratie dans un endroit où il n’y en a pas, améliorer son milieu de travail et ses conditions de travail, avoir un meilleur rapport de force, mettre fin au favoritisme, aux passe-droits et à l’arbitraire.
Rédaction : Charles Loco
Correction et révision : Julie Fortin