Enough : Before my Eyes
Publié le 12 Fév 2024 par Claudia Bo
L’époque à laquelle j’ai découvert SC.U.M.
J’ai découvert le punk à une époque où le skatepunk et le mainstream n’avaient pas encore pris le dessus. J’avais à peine 12 ans. À cette époque, Fat Mike n’était pas encore « fat », Banlieue Rouge dominait la scène underground, B.A.R.F chantait « Le Petit Poisson » dans des sous-sols d’églises, et Greg Graffin avait encore des cheveux. Autant dire que ça remonte à très loin. Mes amis me faisaient découvrir toute sorte de musique : Grimskunk, General Fools, Global Holocaust, Me, Mom & Morgantaler, et un groupe que j’avais complètement oublié : SC.U.M.
À l’époque, on traînait aux Blocs, on quêtait à l’angle des rues Ste-Cath et St-Laurent, on faisait des affaires louches dans des squats, et on passait notre temps à se faire crier par les flics du poste 33 : « CIRCULEZ ». Je ne compte même plus le nombre de tickets que j’ai reçus pour trouble à l’ordre public ni les taloches de la part de policiers un peu trop zélés du S.P.V.M. Je ne vous parle même pas de la fois où j’ai été fouillée à nu par un policier qui se croyait tout puissant avec son badge. J’avais à peine 14 ou 15 ans. C’était la belle époque, n’est-ce pas? Et SC.U.M., c’était un putain de cri de ralliement pour dénoncer toute cette merde que nous vivions au quotidien.
L’âge d’or du punk
C’était l’âge d’or du streetpunk, avec ses vestes à German Studs, ses mohawks coiffés au Knox, ses 18 trous sur lesquels on prenait bien soin de ne pas mettre n’importe quelle couleur de lacets. On faisait du squeegee, la mescaline ravageait des vies et on embêtait les passants.
C’était une époque où être punk était un véritable statement. Une époque où le message primait sur la musique, où la musique en était le porte-étendard. Cette époque est-elle révolue? Le punk est-il mort? Les puristes diront oui, les optimistes diront non. Moi, je dirais plutôt qu’il a simplement évolué, tout comme moi, et probablement tout comme vous.
Alors quand Georges m’a écrit pour me dire : « Claudia, j’ai une surprise pour toi! », j’étais un peu surprise de recevoir par courriel un presskit et un lien d’écoute. Déjà qu’il m’avait envoyé une copie vinyle de la réédition (1985) de leur premier album « Born too Soon ». C’est ainsi que j’ai eu envie de vous présenter ce groupe mythique et de donner un petit avis sur cette nouvelle sortie puis de me replonger très loin dans mes souvenirs.
Le grand retour de SC.U.M. : Enough
Véritables vétérans de la scène hardcore montréalaise, le groupe s’est formé en 1981 (j’avais 2 ans à l’époque). Leur premier album était sorti en 1985 sur le label montréalais Psyche Industry, puis il a été remastérisé par le label californien Porterhouse en 2023. Il y a également eu quelques démos et un EP… jusqu’à ce que, près de 40 ans plus tard, les gars soient de retour sous le nom de « Enough ». Leur album « Before My Eyes », sorti à la fin de 2023, est un projet parallèle où Dan Izzo des Motherfuckers de Calgary, des Spastic Panthers et des Sheglank’d Shoulders reprend le micro. Même si l’époque à laquelle j’ai découvert SC.U.M. a changé, il y a encore suffisamment de problèmes dans notre société pour trouver l’inspiration de crier haut et fort contre les maux qui nous affligent. Et les gars de « Enough » le font de main de maître.
Des sujets sérieux comme les fusillades de masse, les crimes des pensionnats autochtones canadiens, notre indifférence actuelle envers l’IA et notre destruction irresponsable de l’environnement sont dénoncés dans « Before My Eyes ». Ils abordent aussi avec humour et satire d’autres critiques sociales comme les influenceurs et leurs disciples sur Internet, les créationnistes et les conspirationnistes.
Et Before My Eyes, ça sonne comment?
L’album est soigneusement travaillé. Il est entraînant et incite à la révolte. Il mélange le hardcore old school avec des mélodies stoner, des rythmes rapides et des riffs puissants. Le groupe n’hésite pas à expérimenter, avec des chansons de deux à six minutes et des changements de tempo et d’ambiance progressifs. Les solos de guitare ajoutent une dimension supplémentaire, avec des montées en puissance intéressantes, et la voix crie tout le désespoir que nous ressentons en regardant le chaos dans lequel nous vivons. Le son est très différent du premier album. Alors que « Born too Soon » était très old school hardcore, avec des touches de garage punk selon les morceaux, « Before My Eyes » penche un peu plus vers le métal. « Born too Soon » est beaucoup plus dans mes cordes, mais « Before My Eyes » demeure un excellent opus.
J’espère qu’on aura bientôt l’occasion de les voir sur scène, à hurler toute cette critique sociale tel que SC.U.M. nous ont habitué à le faire.
Pour écouter Before My Eyes
Pour écouter Born Too Soon
Quelques copies cassettes seront disponibles sous l’étiquette de Pils Records prochainement.
Rédaction : Claudia Bo
Correction : Céline Montminy
Révision : Marie-Eve Landry