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Entrevue avec Wood (odt records / sweetmess)

Publié le 24 Avr 2023 par

Ex-bassiste des Saintes-Catherines, co-fondateur du label l’Oeil du Tigre (ODT Records), membre du collectif Do it Together et bien plus encore, Guillaume Nadeau aka WOOD est un vétéran de la scène punk underground montréalaise. J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec lui un dimanche matin ensoleillé autour d’un bon café, à 639 kilomètres de distance.

Depuis quelle année es-tu en activité dans la scène? Où tout a commencé?

Ça a commencé en 1996-97, le graffeur STARE (Simon Bachand) et moi avions un band à la Biohazard / Raised Fist et on jammait à St-Lambert sur la Rive-Sud dans le garage de condo des parents de notre drummer. On était dans notre début vingtaine et on savait à peine jouer de nos instruments. On n’a jamais fait de show, mais ça a au moins duré un an! C’était mon premier band, ça s’appelait Fed Up. Aujourd’hui, Simon est l’un des graffeurs le mieux connu de la planète. Malheureusement, aucun enregistrement n’existe de ça.

Le band s’est séparé pour des raisons qu’on peut facilement imaginer. Ensuite, il sest passé quoi?

Ensuite, j’ai rencontré d’autres musiciens. La gang de Rollerstarter, Face Up Reality, Incontinence, Overbored… Tous des groupes qui ont a gravité vers la scène du premier Underworld Records and Skate Shop. On trippait pas mal Alkaline Trio, TGUK, alors on a formé un band appelé EXPECTATIONS LOST (membres de Roller, Face Up Reality). On a ouvert pour des noms comme Ann Berreta et Alkaline Trio dans des shows de sous-sol. Rien d’enregistré non plus; c’était de 1998 à 1999.

Qu’est-ce qui te poussait à vouloir faire de la musique à cette époque? Qu’est-ce que tu écoutais?

À cette époque, un mélange de vouloir s’exprimer artistiquement et du “fuck you”, attitude du punk hardcore en général. J’écoutais pas mal de punk à la NO IDEA RECORDS, EBULITION. Je commençais à tripper post-rock aussi avec les premiers albums de Mogwai, Godspeed You The Black Emperor!, JOAN OF ARC, etc. Expectations Lost s’est donc transformé en groupe post-rock à trois guitares et a changé de nom pour AKIATA (1999-2000). Pas d’enregistrement non plus, sinon des maquettes enregistrées par des élèves de Musitechnique, là où Beaudet et Louis Valiquette étudiaient.

Si je me fie à la ligne de temps, après ça c’était le début des The Sainte Catherines? Comment ça a commencé?

En 2000-2001, j’ai formé SUCK LA MARDE avec Simon Leduc de Face up Reality, Vince Barboutche, et Alex D’Anjou (des weirdos de St-Hyacinthe). Ensuite, j’ai quitté SUCK LA MARDE pour les Ste-4 en 2001. Leur bassiste à l’époque était pas mal débauché et le groupe voulait plus de stabilité. J’étais six ans plus vieux que les gars aussi; en fait j’ai toujours été le plus âgé de la gang depuis le début.

Le band était sur une lancée à l’époque, FAT WRECK CHORDS et toute l’affaire. Pourquoi as-tu décidé de te retirer?

Eh bien, de 2001 à 2003, il n’y avait pas de Fat Wreck… C’était 8 mois de tournée par année, toutes DIY, jusqu’à ce que Fat Mike démontre un intérêt en 2004. On a alors enregistré un démo qu’on lui a envoyé au début de 2005. C’est là que mon intérêt en déclin pour le band, ainsi que la naissance de mon fils ont fait en sorte que j’ai dû quitter après notre troisième tournée européenne. J’ai encore ce démo, ce sont basiquement des tunes de Dancing for Decadence avec moi à la basse.

On me parle souvent d’un show des Ste-4 à l’église Ukrainienne de Rouyn-Noranda, avec Les Prostiputes, Loved by None et Chopsticks. Apparemment que ça a dégénéré; les gars de Loved by None ont vidé un extincteur dans la foule, Félix B. Desfossés a cassé le nez d’un des membres et les gens leur lançaient des trucs quand ils sont partis. Peux-tu en parler un peu?

De ce que je me rappelle, ce fut exactement ça. On avait dû vider la salle de toute la fumée avec des chaises pliables pour ventiler le tout vers l’extérieur, par les fenêtres. LBN a été chassé de la ville par des punks en beau tabarnak. On avait joué aussi à Rouyn avec SUCK LA MARDE, CACAMOU et LES PROSTIPUTES avant ça, ou après, je ne sais plus.

[Jean-François Gibson de Les Prostiputes / Rancœur] – « Je pense que c’était la fois que la mère de Christian Martin (notre bassiste) nous avait fait de la sauce à spag. La gang des Ste-4 avait capoté, parce que la sauce était bonne, et parce qu’elle avait fait une batch végé juste pour eux (il faut dire qu’en 2003 ce n’était pas très commun encore).

En fait, je ne me rappelle plus beaucoup du show, sinon qu’on aimait beaucoup les Ste-4, qu’on venait d’arriver à Montréal et qu’on voulait se plugguer avec des bands déjà établis de la métropole…. Ils ont été super cool avec nous.

Félix B. Desfossés croyait beaucoup aux « échanges de shows » et c’est vrai que ça fonctionnait. On bookait un show à Rouyn et, en échange, ils nous faisaient jouer à quelque part (idéalement avec eux) à Montréal. C’est comme ça qu’on s’est fait des amis là-bas et qu’on a pu faire de plus en plus de shows. Sérieux on était jeunes en criss… Félix (B. Desfossés) devait avoir 19 ans et c’est lui qui avait pris les choses en main pour notre band… il voulait! »

Après The Sainte Catherines, qu’est-ce qui s’est passé? C’est là que t’as décidé de fonder ODT Record?

J’ai pris un break de 2005-2007, ensuite j’ai fondé le band hardcore/screamo THUNDER BAY avec des membres de Black Ships et Self Made Man. Ça a duré presque deux ans. Ce fut aussi les débuts de MON OEIL RECORDS (pré l’ODT). J’ai fondé ce label avec Max Black (Greg Cocaïne). Thunder Bay a fait 3-4 shows avant de se séparer.

Mon Oeil s’est transformé en l’Oeil du Tigre en 2009. Ça a duré jusqu’en 2018, avec 36 parutions (vinyles, CD, CDr, cassettes), et plus de 130 spectacles organisés à Montréal, sur la Rive-Sud, la Rive-Nord et à Québec. Là-dedans, il y avait Max Black, Nicolas Parisé, Nick the Geek, Jean-François Dussault Desgroseilliers, Reno Barbe et moi.

Désordre Ordonné, c’était en parallèle à ODT, plus screamo/emoviolence?

Exactement, le label de Nic Parisé, qui s’appelait Where’s that deerhead au début.

Qu’est-ce qui vous a poussés à mettre fin au label?

Le manque de ressources monétaires. On ne voulait pas s’enregistrer comme compagnie, donc zéro accès à des subventions. On payait tout de nos poches, et à un moment donné, ça devient impossible avec les prix d’impression des vinyles qui augmentent toujours. On a quand même aidé des bands comme Corridor, Solids, Milanku et bien d’autres. Au final, le tout was all worth it. RIP L’ODT.

Je me rappelle que les ODT Fest étaient pas mal attendus à chaque année, de maudits beaux lines-up. Il y avait aussi une cantine végan lors des évènements. Peux-tu me parler de ces shows et de l’importance du véganisme qui semble dater des débuts pour toi?

J’avais 18 ans au début de mon végétarisme/véganisme. De 14 à 18 ans, mes parents m’avaient trouvé une job d’ado dans une boucherie pas loin de la maison. Ça m’a dégoûté assez pendant les 4 ans que j’y ai passés, que je n’ai plus jamais mangé de viande. J’ai par la suite été végan de 2010 à 2022. Depuis, j’ai recommencé à manger du fromage (personne n’est parfait).

Pourtant, oui. On a toujours essayé, avec le label, de produire des spectacles où il y avait l’option de nourrir les gens. Pour apporter une dimension autre que juste musicale. Pendant les spectacles, on servait de la bouffe végane. En même temps, on essayait toujours de nourrir les groupes qu’on accueillait en tournée. On avait commencé ça sous le nom de TEMPEH FAMILY, qui est devenu DO IT TOGETHER par la suite.

Il y a eu pas mal de « petits projets » autour de votre gang (Carpet, Expectorated Sequence, Royaume des morts). J’ai l’impression qu’il y a eu un espèce d’âge d’or de la scène underground autour de ODT Records à l’époque, qu’est-ce que tu en penses?

Les débuts de Solids, de Expectorated Sequence, Les Bois Francs, du Royaume des Morts… Ce fut une époque assez le fun pour notre petite scène en effet. Chaque chose a son temps and that era was essential dans la structure de notre scène actuelle. Cependant, il y a 20 scènes punk à Montréal et on en est juste une infime partie.

Do it Together, tu l’as dit, ça part de Tempeh Family. Clairement, le nom fait référence au concept « do it yourself ». C’est quoi le « core buisness » du collectif?

Booker des shows. C’est la raison pourquoi on existe. L’aspect bouffe pour les bands a pris le siège arrière à cause que Dorothé et moi, on ne travaille plus chez Gusta. En revanche, on essaie d’organiser des évènement cools et plaisants 10-12 fois par année. Le collectif comprend Xavier Trudeau (Marée Noire, Glint), Kim Shea, Johann Mendoza (Shallow) et Vicky Keira. On a aussi des collaborateurs : David Palin (Marée Noire), Lola Colonial (Marée Noire, Bleak Rugiada), Jack Olga (Jetsam). Le line-up change tout le temps.

Ton projet le plus actif actuellement, c’est Sweetmess. C’est vraiment arrivé comme un vent de fraîcheur sur la scène montréalaise, avec un alt-rock très inspiré des années 90. Le projet part d’où?

C’est le projet de Fabie Bergeron, notre chanteuse. Elle et moi nous sommes liés d’amitié en 2018. Elle a décidé de former un band pop aux allures 90’s. Elle a recruté aussi Chris Riopel à la guitare (Harriers, Kennedy, Red Seal) et Alex Varin au drum (Small Rooms). Depuis 2019, on essaie de recréer la vibe de notre adolescence pop punk alternative.

Où est-ce que vous voulez amener le projet? Tournées, LP?

Pour l’instant, on est un « weekend band« . Avec nos vies « d’adulte », les tournées sont techniquement infaisables, mais on fait ce qu’on peut. On aime bien la formule EP à date, parce que ça nous permet de sortir des trucs plus souvent. Par contre, on ne sait jamais, peut-être un jour pour le LP.

Rédaction : Maxime Gagné

Correction : Julie Fortin

Révision : Marie-Eve Landry