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Vilain Pingouin, la dernière tournée

Publié le 30 Mar 2024 par
Vilain Pingouin

Start-up

Pour cette occasion, j’ai réussi à traîner des amis de longue date que je vois régulièrement, mais qui fréquentent les shows de moins en moins. On se rejoint tous les cinq pour un souper à l’Entrecôte Riverin de Chicoutimi. Le burger L’Entrecôte a volé la vedette du repas s’inscrivant sur notre facture, pratiquement au prix d’un McDo. Au passage, je me suis enfilé deux bonnes cannettes de bière en provenance de microbrasseries que j’apprécie : l’avantage d’un restaurant « apportez votre boisson ».

La bande de Vilain Pingouin, je la suis depuis longtemps. Ses succès, nombreux, sont passés à la radio. Je l’ai vue en show quelques fois au fil des ans, que ce soit entre les murs du cégep ou ceux de l’université. J’ai, en quelque sorte, grandi avec ce groupe. J’aime bien aussi les albums solos de Rudy Caya. À essayer, je vous le dis. Mon dernier contact avec le groupe remonte malheureusement à une prestation virtuelle. Il s’en était suivie une pertinente et surprenante entrevue. Déjà, à cette date, j’avais trouvé Rudy usé : toujours très vif et plein de conviction, mais un être qui vieillit comme nous tous.

La Nuit des Temps

La Nuit des Temps est autant une salle de spectacle qu’un bar. Je peux décrire l’endroit en affirmant que sa qualité est son défaut et son défaut est sa qualité, ce qui provoque parfois des situations incommodantes. L’artiste est très près de son public, vous l’entendez très bien, mais lui aussi vous entend parler, rire, raconter votre semaine. Nous y reviendrons un peu plus loin…

Tassez-vous, la vedette arrive

Un homme boitant avec une canne, arborant aussi un bandage à la main droite, se dirige vers La Nuit des Temps. Une pause s’impose en voyant l’impressionnant escalier se dresser devant lui. Tous les fans lui laissent le champ libre jusqu’à sa loge tout en haut.

Immédiatement en arrivant sur les lieux, le degré d’intensité a augmenté avec l’agent de sécurité qui nous attendait au comptoir d’entrée. Un membre de l’équipe S.W.A.T. d’Hawaï 5-0, le sosie de Daniel Dae Kim, assure la sécurité pour ce soir, équipé d’une veste pare-balles et d’une ceinture garnie d’armes et de gadgets. Pendant un court instant, je me suis demandé si ce n’était pas lui « Canif », le nom du groupe annoncé pour jouer en première partie. Il a dû vérifier notre bracelet quatre fois pendant la soirée.

Habillé en pingouin

Je parcours la banquise pour m’échouer devant deux CD : leurs derniers EP Coup d’cœur et Coup d’main. Ma sagesse flanche aussi pour un t-shirt style Ramones, une casquette ainsi que deux sous-verres. Je croise de nombreux visages connus, la vibe est bonne. Je me commande la bière qui a été spécialement brassée pour leur dernier tour de piste : la Dernière tournée de la Microbrasserie Le Prospecteur. C’est une bière lager mexicaine à la lime, qui se présente comme un véritable voyage sensoriel. Au moment où je débouche la cannette, une odeur me vient agressivement aux narines. Je prends ma première gorgée et me délecte de ce nectar faible en alcool, mais ô combien goûteux. Une succulente bière que je recommande après maintes et maintes dégustations satisfaisantes. Je vais aller m’en chercher lors de sa sortie au Marché Centre-VilleHumm !

Canif

Les premières notes commencent à percer nos tympans doucement. C’est Rémi, alias Canif, qui réchauffe l’atmosphère. Il me tombe tout de suite dans l’œil, étant un homme-orchestre. Ce multi-instrumentiste peut s’apparenter à Bruno Rodéo et Steve Hill. Ce qu’il a à offrir est un rock pesant. Cette opportunité de se faire valoir ce soir coïncide directement avec la sortie de son EP Dompter les vautours. Il nous informe que si nous désirons l’écouter, ça se passe en ligne et nous invite tout de même à dévaliser la table de marchandise de Vilain Pingouin.

Canif

Vilain Pingouin

La salle est pleine à craquer, et c’est littéralement le cas. Je me fais constamment marcher sur les pieds.  Les spectateurs ne savent plus où se mettre, entassés les uns sur les autres. Je crois que l’établissement pète son quota. Chut ! On veut un show.

On peut dénombrer six musiciens au total sur la scène. Parmi les membres originaux, notons particulièrement le batteur Michel Vaillancourt ayant appartenu également au groupe mythique Les Taches, dont je possède des vinyles. En début de spectacle, Rudy Caya regarde une fille debout aux premières loges en avant de lui, et il la remet à sa place : « Ta gueule, c’tun show ! ». Nous avons vu son côté rebelle, punk prendre le dessus. Il a vite repris le refrain soudainement interrompu.

Vilain Pingouin

Une espèce unique

L’accordéon s’est invité à la fête en s’intégrant graduellement à la frénésie en place. Ça a toujours été une des forces du groupe, la versatilité instrumentale lui donnant une couleur unique dans le paysage québécois. Monsieur Caya livre certaines tunes debout, d’autres en étant assis, et j’ai eu une soudaine pensée pour Franz de Grimskunk. Le chanteur de Vilain Pingouin n’est plus le plus jeune, mais ne s’en laisse pas imposer. Si je m’attarde à son vocal, j’en suis estomaqué. On dirait un adolescent, frais comme une rose, rien à redire à ce sujet.

Des accords émis combinés à des battements de tambour, des paroles bien livrées résultant des instruments de musique en parfaite harmonie afin de dessiner le setlist qui parcourt chaque moment charnière de la carrière infinie des membres du groupe. Deux shows en deux soirs au Saguenay : les vieux routiers sont également inépuisables. Entre deux chansons, Rudy nous raconte qu’il doit absolument manger notre tourtière lors de ses visites dans notre région. La foule est en délire, en feu, et ne lâche pas. Les spectateurs prennent la relève pour chanter à tue-tête les paroles tant connues. Des textes tellement rentre-dedans, qui viennent des tripes afin de livrer un message saisissant. Ces gaillards sont des virtuoses qui nous ont livré une longue et généreuse performance identique au son de leurs albums.

Vilain Pingouin

Last call

Je crois que ce sera véritablement la dernière tournée de Vilain Pingouin, il n’y en aura pas d’autre, comme le fait si bien Kiss. Choyé je suis d’avoir pu prendre part à ce trip, rappelant un rendez-vous trop rare avec un vieux chum. Je le vois un peu comme Le dernier show d’Offenbach, pour moi c’est aussi gros. Il s’ensuit un classique des sorties entre chums, roulement de tambour… Le plus éméché de la gang ne trouve plus son billet de vestiaire et doit argumenter avec l’employée au comptoir, incapable de la convaincre. Quelques obstinations plus tard, il récupère son manteau. 

Malgré notre but atteint d’assister à de bonnes retrouvailles avec un vieux band que l’on chérit, nous sommes encore bien allumés et motivés. Nous décidons d’abuser encore des bonnes choses, étant donné que nous avons un chauffeur désigné, la femme d’un de mes amis assurant le lift du retour. Nous continuons notre beuverie, pas très loin sur la même rue à la Taverne Racine. C’est soirée karaoké ! Sur ce, je vous dis « au prochain show ».

Rédacteur : Patrice Belley

Correction : Valérie Lapierre

Révision : Julie Fortin